La directive du 25 juillet 1985 concernant la responsabilité du fait des produits défectueux a été transposée dans notre droit interne par la loi du 19 mai 1998 presque 13 ans plus tard. Treize ans durant lesquels la France a été condamnée en manquement (CJCE, 13/1/1993, D. 1993).
La divergence d’intérêts entre les professionnels et les associations de consommateurs est l’explication. Les premiers voulaient s’exonérer de leur responsabilité en invoquant le fait que l’état des connaissances scientifiques et techniques ne permet pas de prévoir le défaut (risque de développement) et les associations prônaient un indemnisation facilitée des victimes. Pour compenser le retard la jurisprudence avait créé une obligation de sécurité de résultat à la charge des fabricants.
En septembre 2022, la Commission européenne a publié une proposition permettant d’adapter les directives pouvant adresser les avantages technologiques que de nouveaux produits pouvaient apporter.
La révision a pour but d’harmoniser les règles pour les différents Etats membres, d’assurer un fonctionnement optimal de l’économie numérique et circulaire et d’aider les personnes victimes de l’achat de produits défectueux pour qu’elles obtiennent une compensation équitable.
Adoptée en octobre 2024 la directive 2024/2853 redéfinit la responsabilité du fait des produits défectueux.
Les développements ci-après ont pour objet de présenter de façon pratique les évolutions en signalant ce que la France doit réviser (art. 1245 à 1245-17 du Code Civil).
LES PRINCIPES DU TEXTE
- Conservation de l’objectif de 1985
- Prise en charge des nouveaux produits : développements informatiques, IA, …
- Harmonisation au sein de l’UE
LES ACTEURS
La notion de victime est précisée et modifiée :
La personne physique lésée est :
- Une personne qui a succédé ou a été subrogée dans les droits de la personne lésée
- Une personne agissant pour le compte d’une personne lésée
Les personnes responsables
Le terme « producteur » est remplacé par « opérateur économique » et sont désormais visés :
- Le fabricant du produit
- Le fabricant d’un composant défectueux
- L’importateur
- Le mandataire du fabricant
- Le prestataire de services d’exécution des commandes
- Toute personne qui modifie de manière substantielle un produit en dehors du contrôle du fabricant
QUELS SONT LES PRODUITS CONCERNES ?
Produit : tout meuble, même s’il est incorporé dans un autre meuble ou dans un immeuble ou interconnecté avec celui-ci. Le terme comprend l’électricité, les fichiers de fabrication numériques, les matières premières et les logiciels.
Un fichier de fabrication numérique est « une version numérique ou un modèle numérique d’un meuble qui contient les informations fonctionnelles nécessaires pour produire un élément corporel en permettant le contrôle automatisé de machines et d’outils ».
La révision vise très nettement l’extension à l’économie numérique en visant les logiciels et les systèmes d’IA.
Il n’est plus question de « mise en circulation » mais de « mise à disposition ».
MISE EN JEU DE LA RESPONSABILITE
Classique de la responsabilité civile, la personne lésée devra établir la preuve :
- Qu’un défaut du produit
- Lui a causé un préjudice
Elle devra donc prouver :
- Le défaut
- Le dommage subi
- Le lien de causalité entre le défaut et le dommage.
Le projet de révision facilite très largement la charge de la preuve en prévoyant des systèmes de présomptions inversant la charge de la preuve.
LES PRESOMPTIONS DE DEFECTUOSITE
Aux termes des considérants, il convient que la définition de la défectuosité comporte une analyse de la sécurité à laquelle le grand public peut s’attendre et non de la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre.
Présomption également lorsque la personne lésée pourra démontrer que le produit n’est pas conforme aux exigences obligatoires prévues par le droit de l’UE ou le droit national.
De même lorsque la victime démontrera qu’il est probable que le produit est défectueux.
LE DOMMAGE
- corporel
« la mort ou les lésions corporelles, le préjudice médicalement reconnu à la santé psychologique »
- matériel
le dommage au produit défectueux est exclu.
- Immatériel
Le nouveau texte n’apporte aucune modification.
LES DELAIS
Le système du double délai, prescription 3 ans et forclusion 10 ans est maintenu.
Le délai de prescription commencera le jour où la personne lésée aura connaissance du dommage, du défaut et de l’identité de l’opérateur économique.
Le délai de forclusion courra à compter de la mise sur le marché ou de la mise en service du produit.
LES EXONERATIONS
Les exonérations contractuelles restent interdites.
Les causes d’exonération de la directive de 1985 sont reconduites.
Enfin, le risque de développement sera, en principe, exclu. Les Etats souhaitant déroger à ce principe devront justifier leur demande d’absence de dérogation.
LA TRANSPOSITION ET LES PRISES D’EFFET
La directive 2024/2853 du Parlement Européen et du Conseil du 23 octobre 24 est entrée en vigueur le 9 décembre 24 et s’applique aux produits mis sur le marché ou mis en service après le 9 décembre 26, c’est-à-dire 24 mois après.
Les Etats membres de l’Union européenne doivent transposer cette directive dans leur droit interne avant le 9 décembre 2026.